[Laurentides, Notre-Dame-du-Laus] Parc Régional du Poisson Blanc
La visite de Joanie en juillet 2018
Camper sur une ile déserte accessible en canot, avec son compagnon canin pouvant être en liberté sur le site de campement, n'est-ce pas le rêve de tous amateurs de camping ayant un chien ?
Baignade à volonté, écureuils au rendez-vous pour occuper vos canidés, dodo dans les sacs de couchage avec son humain et randonnées pédestres dans la forêt, voila l'endroit rêvé.
Si vous cherchez un endroit où décrocher de la routine, relaxer, pêcher ou tout simplement vous évader dans la nature, c'est l'endroit par excellence.
Plus de 60 îles sont disponibles. Il est obligatoire d'avoir une réservation avant d'arriver au parc. Dus à leur forte popularité, la majorité des sites sont '' Sold-out'' en quelques jours lors de l'ouverture des réservations au printemps. Surtout les sites chouchous et les sites situés près de l'accueil. Donc pour vous éviter de mauvaises surprises, prévoyez faire votre réservation en ligne avant de vous y rendre.
Par respect pour le parc, il est fortement recommandé de ramasser les déchets fécaux de votre chien sur les sites de campement. Votre chien étant en liberté, il est possible d'en oublier, mais idéalement ramasser ceux que vous voyez.
Il est aussi fortement recommandé de laisser votre chien en laisse à votre arrivée à l'accueil, lors de votre enregistrement et à votre retour.
Sur ce, bonne zénitude avec les huards du lac et les plus beaux couchés de soleil du Québec.
Notre visite en juin 2018
Cela faisait plus d'une dizaine d'années que je n'avais pas mis les pieds sur un terrain de camping pour y passer la nuit. Ce n'était pas par manque d'intérêt, au contraire, mais bien par inadéquation avec mon emploi du temps et surtout, parce que l'occasion ne s'était jamais vraiment présentée. Il faut dire qu'en ayant décroché un emploi dans l'industrie du plein air depuis quelques mois, l'attrait des grands espaces et de la forêt travaillait ardemment sur mon imaginaire. Lorsque Camille, rédactrice en chef de Onvasepromener, a mentionné le Parc Régional du Poisson Blanc alors que nous sirotions un mojito sur une terrasse près du fleuve, je n'ai pas su contenir mon engouement pour cette escapade hors des murs de verre et de ciment de la grande ville de Montréal.
De retour chez moi, je dressai la liste de ce qu'il me faudrait acquérir afin de pouvoir profiter sans entrave de ce moment loin de la civilisation. J'allais enfin pouvoir mettre à profit les heures de recherche, de lecture et de comparaison de produits qui font en sorte que je reçois un salaire. En ayant réservé le site plusieurs semaines à l'avance, il était carrément impossible de prévoir quel ciel allait couvrir nos têtes les quatre, cinq et six juin, et donc il faudrait croiser les doigts et espérer être chanceux. (Scoop : Mère Nature ne fut pas des plus généreuses, mais j'y reviendrai plus tard!)
Nous nous sommes donc réunies une dizaine de jours avant le départ afin de dresser une ébauche du menu et d'organiser les derniers détails. Personnellement, je ne suis pas fine bouche et même lorsque j'aurais tout le loisir de me cuisiner des repas élaborés en ville, mes concoctions ressemblent étrangement à ce que nous avons mangé en plein bois autour du feu, c'est-à-dire purées, liquides, ragoûts, bref, du mou sur du mou. De ce côté, je n'ai pas été déstabilisée du tout à vrai dire : gruau, chili, chana malasa, soupe au pois, beef jerky, haricots en conserve au sirop d'érable (qui ont fait office de dessert sucré!), minestrone, etc.
Fidèle à moi-même, mais très peu fière, le réveil-matin demeura muet à 7h15 le lundi matin et je me fis réveiller au doux son de la sonnerie de mon Iphone, les traces de l'oreiller encore imprimées sur la joue, à plusieurs stations de métro du lieu de rendez-vous parce que j'avais cru bon d'aller m’époumoner la veille dans un bar karaoké avec un ami pour y chanter tout faux deux-trois hits de Céline Dion. Une fois passé le moment de panique généralisée, je sautai dans un taxi à la pluie battante pour aller récupérer mon sac à dos et rejoindre Camille qui m'attendait déjà bien énervée devant mon bloc appartement rue de Bullion.
Nous prenons finalement la route avec trente-cinq minutes de retard en direction de Notre-Dame-du-Laus, village situé en bordure du réservoir. Il nous faudra parcourir environ 250km soit quelque chose comme trois heures de route pour y arriver. Nous empruntons l'autoroute 50 qui longe Saint-Jérôme, puis bifurquons vers le Nord sur la route 309, le chien dort la tête sur mes cuisses, le vent dans les cheveux et la gueule de bois qui cogne sur les parois de mon crâne. Nous croisons quelques regroupements d'habitations que l'on pourrait à peine qualifier de village, très peu de services ou d'attraits, beaucoup de chalets abandonnés. Le réservoir est voisin de la réserve faunique de Papineau-Labelle, un parc national Sépaq partagé entre les régions de l'Outaouais et des Laurentides. Il s'agit de la réserve faunique la plus au sud du Québec exhibant une végétation mixte, dense et diversifiée, propice à la pêche à la truite et à l'observation de la faune, tout en étant accessible vu sa proximité des grands centres comme Gatineau et Ottawa. Près du site, le chemin d'asphalte fait place à un chemin de terre battue et la Ford Fiesta peine à gravir les pentes. Il faut admettre que l'automobile est sensiblement surchargée.
Vers midi et demi, nous débarquons finalement au chalet principal où une jeune fille nous explique les règlements et nous remet la carte du plan d'eau. Au moment où nous entamons le déchargement du matériel, un vent se lève. Le genre de vent annonciateur d'orage, qui fait valser les arbres et noircit le ciel. La pluie se met à tomber; c'est une douche froide et drue. Le timing est plutôt catastrophique. Nous sommes vite trempées, tout comme les trois quarts de notre matériel. Le chien ne veut pas sortir de la voiture, les faibles 15 degrés Celsius chutent et l'on se met à claquer des dents endimanchées de nos vestes de flottaison, immobiles en se regardant pagaies à la main, injuriant la météo chacune à notre façon.
Inutile de dire que l'engouement initial fait place à un début d'angoisse mal camouflé. Impossible de prendre le large par ce temps, ce serait carrément dangereux. D'ailleurs, nous constatons avec horreur que le canot trois places ne pourra pas contenir notre cargaison et nous nous rabattons donc sur l'option livraison par bateau à moteur question d'éviter le pire. Pas question de perdre tout notre attirail si jamais le canot chavirait en plein milieu de l'étendue d'eau. À la première accalmie, nous nous précipitons vers le quai avec le chien la queue entre les pattes. Il faut noter que Guidoune n'a jamais mis les pattes sur un bateau et qu'elle n'aime pas particulièrement tout ce qui est aquatique, sauf le hareng dans sa moulée pour chien. À première vue, notre île devrait se trouver à plus ou moins trente-cinq minutes de l'accueil, selon le guide. Avec le vent en plein visage, les vagues et l'orage faisant rage par intermittence, il nous aura fallu plus d'une heure et demie pour trouver notre site numéro 34. Le deuxième obstacle qui se présente à nous est le débarquement sur l'île, puisque malheur à nous, l'endroit prévu à l'amarrage est bloqué par des arbres tombés pendant l'hiver, ce qui nous force à accoster sur un cap rocheux offrant peu de prises stables pour sortir de l’embarcation. Force de détermination, nous parvenons à hisser le canot et le kayak de mer hors de l'eau sans encombre. Seule Camille peut se plaindre de cette sortie d'eau, car à peine assise à la table à pique-nique, elle vide ses bottes de pluie de leur contenu et un litre d'eau brunâtre s'en écoule. Cela augure bien pour la suite…
Le bateau à moteur livrant notre équipement arrive au même moment et nous entassons quatre sacs de bois sec sous la table dans l'espoir de parvenir à nous réchauffer un peu plus tard, lorsque nos tentes seront montées et que nous pourrons enfin relaxer au coucher du soleil. Bah! Je veux dire, lorsque l'obscurité tombera sur le paysage, puisqu'à aucun moment, nous ne fûmes graciées par la présence de l'astre solaire. Toujours frigorifiées, nous essayons vainement d'installer la bâche au-dessus de la table de pique-nique. Il fait maintenant 8 degrés Celsius. Après plusieurs tentatives, nous parvenons à tendre la toile et je m'empresse d'allumer un feu, malgré la pluie. Les oreilles de Guidoune sont glaciales, tout somme nos orteils et notre bonne humeur. Vers 18h34, nous sommes carrément affamées et l'idée d'avaler quelque chose de chaud nous encourage à dorloter le charbon d'épinette fumant. Peinant à maintenir un feu vif, nous plaçons les cannes de conserve parmi les maigres braises et patientons. Pieds nus sur les roches encerclant les flammes, nous observons le paysage qui s'offre à nous. Le silence de la forêt est enivrant, la fatigue nous ensevelit et nous plongeons nos cuillères dans le bol de soupe aux pois tiède. Quel délice divin!
Par la même occasion, je sors mon système de cuisson Flash de Jetboil pour faire bouillir précisément deux tasses d'eau, soit la quantité nécessaire pour réhydrater un repas en sachet Alpine Aire. Dès la première bouchée, on peut deviner que le Veggie Burrito Bowl ne deviendra pas un irremplaçable pour nos futures aventures. Riz aromatisé à la coriandre et lime, haricots noirs, maïs, poivrons et épices mexicaines. Pas concluant, plutôt affreux même! J'admets avoir renversé un morceau de bois carbonisé dans la mixture, mais cela ne justifie pas l'arrière-goût douteux et saisissant apporté par le fameux zeste. Épuisées et repues, nous nous dirigeons vers la tente pour se glisser dans notre sac de couchage en espérant que le lendemain apporte un peu de soleil.
Entortillée dans mon sac de couchage momie, il m'aura fallu quelques instants pour plonger dans un sommeil mouvementé, peuplé de rêves bizarres mettant en scène une poursuite sanglante et un accrochage avec un grizzly enragé. Heureusement, ces grands prédateurs ne se rencontrent pas au Québec. Les seuls animaux rencontrés pendant notre escapade furent des huards nous narguant ou ayant peut-être pitié de nous sur nos embarcations de fortune, une couleuvre, plusieurs écureuils roux, un tamia et un dindon sauvage. Si la pluie peut avoir eu au moins un effet bénéfique, c'est de repousser les moustiques qui seraient normalement nombreux à cette période de l'année.
Je me réveille assoiffée puisque j'ai visiblement ambitionné sur le beef jerky salé la veille. En ouvrant la porte de la tente, je constate qu'il fait toujours gris et qu'une bruine agaçante persiste. Nous déjeunons nos parts de gruau avant de partir à la découverte de l'île sur laquelle nous avons établi le campement. L'île doit faire plus ou moins une dizaine d'acres, le terrain est difficile et la végétation se fait dense par endroit. C'est Guidoune qui ouvre la marche avec entrain, affublée de son imperméable, toute heureuse de pouvoir se mettre à la poursuite des écureuils. Nous traversons en zigzaguant pour atteindre l'autre côté de l'île. Sur la rive, le chien s'élance dans l'eau froide pour aller y chercher un bâton qu'on y lance. Tout est calme, la surface de l'eau miroite sous la fine pluie. Que l'on reste peinardes sur le site ou que l'on entame une randonnée, nous serons trempées dans tous les cas alors nous remettons le canot à flot, en direction d'une randonnée qui nous donnera accès à une vue panoramique sur le réservoir. Nous mettons trois-quarts d'heure à grimper sur un sentier étriqué pour parvenir au sommet, où nous pouvons nous poser sur un cap rocheux à plusieurs centaines de mètres au-dessus du réservoir. La vue est magnifique, mais puisqu'une brume épaisse couvre l'endroit, notre visibilité se limite à quelques îles près du point de vue.
Au retour, c'est au tour de Camille de s'asseoir dans le kayak, confiant donc le canot à Judith et moi, Guidoune à bord. Je ne conseillerais pas particulièrement de placer un animal dans une embarcation où son maître n'est pas, car il est impossible de contrôler le chien qui veut sans cesse rejoindre ce dernier. Disons seulement que j'ai eu des sueurs froides à quelques moments. Revenue sur le site, je reprends mon rôle de boy scout en allumant un second feu, que je m'efforce de nourrir sans retenue. Après tout, c'est notre dernière chance de faire rôtir des guimauves et puis il serait stupide de se priver de la chaleur des flammes après avoir passé 48 heures dans la flotte. Je constate que j'ai les doigts ratatinés comme si je sortais du bain. Rapidement, les braises s'accumulent, la douce caresse du feu et le crépitement font office de berceuse. Nous sommes agréablement surprises par le chana masala de Backpacker's Pantry, qui n'a rien à voir avec l'abject bol burrito de la veille. Déconcentrée par notre session de cuisine minimaliste, une des bottes de Camille, placée trop près des braises prend feu et se met à fondre, laissant le rembourrage de mousse visible en émettant une odeur de plastique brûlé. Un fou rire me prend, comment ne pas s'esclaffer devant une telle scène! Plus de peur que de mal toutefois, la botte est encore ''fonctionnelle'' malgré son piètre état. Le reste de la soirée se déroule sans encombre, nous faisons une courte partie de Uno, alors que le soleil descendant à l'horizon se dégage enfin des nuages. Lorsque nous eûmes placé la dernière bûche dans les flammes, nous attendîmes que le feu meure à petit feu (ah!) pour aller se coucher.
Je me réveillai les épaules tendues par les efforts déployés par les heures de pagaie. À onze heure, un sympathique gaillard vint embarquer nos barils de matériel pour les déposer au quai. C'est l'heure du départ et il fait un joli temps. Le mec nous demande comment nous avons trouvé notre séjour et voyant nos mines indécises, il nous dit : ''Et bien vous savez, il faisait pas super beau c'est vrai, mais t'sais quand tout se passe sans anicroche, on ne s'en souvient pas de ces voyages-là! Au moins vous aurez vécu quelque chose!'' On peut voir ça comme ça mon brave, on peut voir ça comme ça…
En partant du parc aux alentours de 15h, nous avons mis près de 4h pour retourner sur Montréal à cause du trafic et d'un accident causant un bouchon sur l'autoroute 50. Guidoune en avait marre, épuisée de sa sortie dans les Laurentides. La première chose que j'ai fait en franchissant le seuil de l'appartement fut d'enlever mes diverses couches de vêtements humides et puants, de faire couler l'eau chaude puis de frotter vigoureusement mon corps au gel douche à l'eucalyptus. Mon lit double me parut être un luxe royal après avoir dormi sur un matelas gonflable de seize pouces de largeur. Cette nuit-là, j'ai fait l'étoile en me repassant les paysages et les bruits de la forêt du Parc Régional du Poisson blanc. Je n'ai pas rêvé d'ours furieux ni de poursuite endiablée, j'étais trop éreintée pour imaginer un monde sauvage. À ce jour, je n'ai toujours pas vidé mon sac à dos, car j'espère secrètement avoir l'audace de planter ma tente sur un autre territoire d'ici peu.
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